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Olga Tenthorey (15 avr 1908 – 05 jan 2008)

Olga est née en 1908. Elle se souvient encore de l'histoire du Titanic. Sa mère lui a parlé avec émotion de cette catastrophe, un jour d'avril 1912... alors qu'elle était sur le point d'avoir 4 ans.

Son père travaille comme paysan. Il est propriétaire d'une ferme à Dompierre, héritée de son propre père. C'est malheureusement un alcoolique invétéré. Il rentre le soir sur la charrette, flagoleant, ramené par le cheval qui connaît le chemin. Il ne s'occupe guère de ses enfants. Sa mère, Aurélie Tenthorey-Bovey, est "la bonté même". La mère et les quatre enfants sont très soudés face à ce père colérique, au mieux indifférent.

Ses grands frères confectionnent des jouets en bois à leur petite soeur. On était trop pauvre pour en acheter. Olga se souvient qu'il n'y avait pas de plastique du tout quand elle était enfant. Le plastique est apparu dans les années 1920-30.

Pour l'école, une ardoise et des cahiers. Le grand frère Gilbert était toujours plongé dans ses livres. Il arrivait parfois encore en lisant à table: il arrivait en retard à la cuisine, il enjambait pour s'asseoir le grand banc de la table de la cuisine son livre à la main, sans s'arrêter de lire avant de commencer à manger...

On récoltait le blé à la main. Les hommes fauchaient à la faux. Les enfants ramassaient les gerbes et les liaient pour en faire des bottes. Cela faisait très mal, parce qu'il y avait des chardons piquants dans le blé. Deux sortes d'affreux chardons différents. Puis on apportait en charrette ce blé au moulin. Une machine ("la machine") battait les épis pour en faire tomber les grains. Une autre broyait ces grains pour en faire de la farine. On repartait les sacs pleins de farine posés sur les charrettes.

On allait chez les cousins du village voisin en charrette, tirée par le cheval. On apportait les fruits du domaine, pour les vendre en ville, en charrette, tirée par le cheval.

Il y avait un four dans le village, où on allait faire son pain avec sa farine.

Il y avait un téléphone unique pour tout le village, au bistrot du village. Olga se rappelle avec humour comment la serveuse, pas une lumière, allait colporter les messages. Elle arrivait à la ferme pour dire qu'il y avait eu un appel. De qui? la serveuse ne savait pas. Pour qui? la serveuse ne savait pas non plus. Quel était le message? La serveuse n'avait pas demandé...

Petite Olga développe très tôt un désir de venir en aide à l'humanité. Lorsque la première guerre mondiale éclate (Olga avait 6 ans), la petite fille fut si triste qu'elle décida de ne plus manger de chocolat du tout jusqu'à ce que la paix soit revenue. En 1918, à l'armistice (elle avait alors 12 ans), Olga se précipite pour acheter une barre de chocolat au magasin à Dompierre, une barre à 20 centimes (très cher pour l'époque).

La mère est chrétienne pratiquante (protestante). Elle lit à ses enfants des passages de la bible, tandis que le père se met à ronfler... Un jour, Olga lui confie qu'elle souhaiterait s'occuper de malades, quand elle sera grande. Sa mère lui répond, songeuse: "Soeur Olga... oui, ça sonne bien". La mère n'oublie pas les enfants qu'elle a perdus. Vers 1922, elle confie encore tristement à Olga que "aujourd'hui, Nadine aurait 16 ans".

En janvier 1924, alors qu'elle n'a pas 16 ans, Olga perd sa mère, qui décède après une courte maladie. Suite à ce drame, le père fait l'acquisition d'un tea-room à l'avenue de la gare, à Lausanne. Mais il ne tourne pas (on soupçonne la serveuse d'avoir puisé dans la caisse...). Il tente de se suicider durant l'été 1925 dans ce tea-room, en ouvrant le gaz. Il décède à l'hôpital quelques jours plus tard.

En 1924 (?), à 16 ans?, Olga commence un apprentissage de couturière pour dames, chez Adeline Cosandey à Fribourg. Plus tard, elle change d'atelier et travaille chez Mlle Lhomme.

Mais elle nourrit toujours son rêve de soigner les malades. En outre, peu édifiée sur les hommes par l'exemple paternel, elle décide de ne jamais se marier. En 1930, à 22 ans, Olga devient diaconesse à l'hospice de Saint-Loup. Elle y passera toute sa vie. Elle y coule aujourd'hui (08mar03) une retraite tranquille.

Olga avait toujours dit aux autres soeurs qu'elle "voulait vivre cent ans". Vers octobre-novembre 2007, à 99 ans et demi, Olga commence à se plaindre aux autres soeurs de son hospice d'être fatiguée de la vie. S'étant cassé le col du fémur vers l'été 2005 ou 2006, elle ne peut en effet plus marcher. En outre, son objectif était maintenant atteint. Elle avait vécu cent ans, ou presque.

Au mois de décembre 2007, elle s'est quelquefois embrouillé dans ses explications, cherchant ses mots. Mais elle a gardé jusqu'au bout toute sa tête, toute sa mémoire.

Le vendredi 04 janvier 2008, à 8h du matin, Olga appelle ses soeurs et leur dit que, cette fois, ça y est "Le Seigneur me rappelle". Elle répète plusieurs fois cette phrase: "Le Seigneur me rappelle!". Puis elle sombre dans le coma.

Le jour suivant, le samedi 05 janvier 2008, à 4 heures du matin, Olga est décédée. Son enterrement, le jeudi 10 janvier 2008, se fera par inhumation. Les soeurs de l'hospice de Saint-Loup, à moins d'en faire le voeu expresse, ne voient pas leur dépouille incinérée, mais inhumée.


Sources: OT
Créé: avant 08 mar 2003 – Dernière mise à jour: 08 jan 2008